Tout Bouliac en 1874... ou presque tout !
La plus grande partie des informations données ci-dessous sont
extraites de l'ouvrage : Statistique
générale du département de la Gironde ( Edouard Féret) publié en 1874.
Je remercie très vivement Mme Pascale Caillou qui a bien voulu me confier ce
précieux
livre oublié au fond d'un grenier !
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Château Lavergne (1874) : M. Hue, propriétaire. |
Domaine de Macanan (1874) : M. Hervouet, propriétaire. |
730 habitants - 800 hectares- Arrosé par la
Garonne et plusieurs ruisseaux ou esteys. Les principaux sont : celui qui sépare
Floirac de Bouliac, et le Soumarsan, appelé aussi la Laurence, qui sépare
Bouliac de Carignan et aboutit dans la Garonne en traversant la propriété de M.
Hervouet.
Chemin de fer de Bordeaux à la
Sauve, station à 1 km, au S.-E. du bourg.
Steamers-omnibus s'arrêtant
toutes les heures au port des Collines. Voitures à volonté à la Bastide.
Villages principaux : Bouliac,
situé sur le coteau ; la Pâte, Mallus et le Marais, sur la route départementale
; et le port des Collines, sur le fleuve.
Nombreuses et belles propriétés d'agrément.
Sol : moitié en palus, moitié en
côtes et haut plateau. Les palus, d'une grande fertilité, présentent, à une
profondeur variable, un sous-sol d'argile plastique, sur
un lit de sable fin à
une très grande profondeur. Les coteaux présentent un sol tantôt argilo-calcaire
ou marneux, tantôt argilo-graveleux ou argilo-siliceux.
Cette dernière nature se
trouve surtout sur le haut plateau qui termine la commune à l'est.
Sous-sol des coteaux : alternativement de moellon, de grave ou d'argile.
Division du sol : vigne en plein ou en joualles, 600 hectares(1) ; prés, 47
; terre labourable, 15 ; chênes, 5 ; saussaies et oseraies, 6 ; sol bâti et
jardin, 30 ;
chemins, 26 ; rivières et ruisseaux, 71.
(1) J'ai trouvé pour l'année 1824 :
268 hectares de vignes, mentionnées sur le cadastre de 1824. En 50 ans, la
vigne a plus que doublé dans la
commune.
Vins de côtes
produits par 3/6 malbec, 2/6
merlot, 1/6 mancin, cabernet (vidure), massoutet, fer , etc., corsés et colorés
; ils constituent de bons ordinaires ;
prix de primeur, de 350 à 500 fr.
Vins de palus
produits par une proportion un peu plus forte de malbec et quelquefois avec un
peu de verdot. Ils obtiennent généralement 25 à 50 fr. de plus par
tonneau que les crûs de côtes ; les vins récoltés dans les palus secs, qui
bordent le fleuve, sont les plus délicats, par suite de la nature siliceuse
des alluvions ; pour ces derniers, même prix que pour les vins de côtes.
Fruits : cerises, abricots, pêches, prunes, poires, pommes, etc., expédiés en grande quantité.
Pierres de taille tendres et moellons.
Mots usités dans le département de la Gironde et employés dans ce volume qui ne se trouvent pas dans les dictionnaires français.
Estey
: Chenal ou ruisseau, sujet au flux et
au reflux de la Gironde.
Joualles
: Double rang de vignes, près l'un de l'autre de 1 mètre environ et séparés des
rangs voisins, par 6, 8 ou 10 sillons de terres cultivées pour céréales, plantes
fourragères, légumes, tabacs, etc. On trouve aussi, mais en petit nombre, des
joualles à 3 rangs.
Principaux propriétaires en côtes avec production en tonneaux |
Principaux propriétaires en côtes et palus avec production en tonneaux |
Château-Bouliac | Edouard Cruze (1) | 125 | Château de Macanan (6) | Hervouet | 150 |
A Lubbert | Sensine et Chalès | 80 | A Delord | Castagnet | 70 |
Château du Pian | Deffès (2) | 75 | A Condom | Papon | 12 |
Clos La Gravière | Peccadeau | 70 | Une quinzaine de petits propriétaires font de 1 à 10 tonneaux. | ||
A Ferchaud | Saint-Amant | 50 | |||
A Damazeau | Mme Daval | 50 | Principaux propriétaires en palus avec production en tonneaux | ||
A Cruzel | Vve Delatre | 40 | Château de Benonville (7) | G. de Buhan | 235 |
A Tojan | Mme Levif | 50 | Château de Vimeney | de Gourgues des Moulins | 200 |
A Berliquet | Cardonnel | 30 | Château Terrefort | W. Jurine | 200 |
Château Lavergne | Hue (3) | 40 | Au port des Collines (8) | Exshaw | 130 |
Château du Dragon | J.-A. Charriol (4) | 30 | Château de Grizelle (9) | Alaret | 30 |
A Montjouan | Jean Hugla (5) | 15 | A Godefroy | Maurel | 70 |
A Daviaud | Daviaud | 25 | A Labarde | Gardère | 50 |
A Viale | Mme Levif | 45 | Au Port | Tranchet | 35 |
A Despagne | Labrie | 15 | Domaine de Lamothe | H. Berniard | 25 |
Au bourg | Desgrange | 15 | A Robert | Vve Robert | 15 |
A Bessan | Lalanne | 12 |
A la Palu
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Rambaud
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15
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A Sobat | Abria | 20 | |||
A la Pâte | Pâté | 10 | |||
A Brousse | Castanet | 10 | |||
AxMallus | Degans | 10 | |||
Au canton | Elliot | 10 | |||
Au canton | Gérard | 6 | |||
A Belle-Vue | Eschenauer fils | 8 | |||
Au bourg
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Bouluguet
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10
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(1) Le domaine de M. E. Cruze comprend environ 60 hectares. Son vignoble,
situé sur la première côte de Bouliac, vient d'être entièrement replanté en
cépages fins, tels que cabernet-
sauvignon, merlot, malbec et verdot.
(2) Le domaine du Château du Pian comprend 27 hectares dont 17 hectares, consacrés à la vigne, sont entièrement situés sur des coteaux argilo-calcaireet complantés de cépages de choix.
(3) Le domaine de Lavergne comprend 28 hectares, dont 15 sont consacrés à la
vigne, 4 aux prés, 9 aux garennes et agréments. Le vignoble, entièrement en
côtes, produit un des meilleurs vins
de la commune. Par les améliorations diverses dont il a
été l'objet depuis quelques années, il est appelé à atteindreune moyenne de 60
tonneaux
(4) Le Château du Dragon est entouré d'un domaine de 33 hectares, presque
entièrement consacré à la vigne. Ce vignoble, situé sur 3 collines au sommet des
coteaux de Bouliac, vient d'être en
grande partie replantéet produira dans quelques
années une moyenne de 60 tonneaux.
(5) Le domaine de Monjuan comprend 7 hectares de vignes, admirablement
situées en 1ères côtes , sur un terrain graveleux,, complanté en malbec et
merlot, produisant un des meilleurs vins de
la commune.
(6) Le domaine de Macanan, dont l'origine est fort ancienne, offre autour de
son château, un des plus beaux parcs des environs de Bordeaux, remarquable par
la variété et la beauté de ses
arbres, clos de murs et traversé dans toute sa
longueur par la petite rivière la Laurence.
Le vignoble et les prairies comprennent 30 hectares,
situées en côtes et en palus. Les vignes, composées de cépages de choix,
produisent en moyenne 150 tonneaux d'un vin qui se
recommande par son corps et sa belle couleur.
(7) Le Château-Benonville et le beau vignoble qui l'entoure sont dans la
famille de M. G. de Buhan depuis plusieurs siècles. M. J.-L. de Buhan, jurat et
procureur-syndic de Bordeaux en 1759,
commença vers cette époque le renouvellement des
premières vignes de Benonville, plantées en 1580, et n'y mit que les cépages
fins verdot, cabernet et malbec, que M. G. de Buhan
s'applique à conserver dans le renouvellement partiel
et presque continu qu'il fait exécuter avec les soins les mieux entendus.
Ce domaine se divise en deux parties ; Château- Benonville et le
Médoux, dont les vignobles se touchent et produisent
225 à 250 tonneaux d'un vin très recherché pour la Belgique , la Hollande et
l'Angleterre, payé, en primeur, 400 à 550 fr. le tonneau,
selon les années.
(8) Le domaine des Collines comprend 24 hectares, dans des palus de première
qualité, complantés en vignes avec cultures intermédiaires. Il produit, année
moyenne, 130 tonneaux de vins très
estimés, 120 hectares de céréales et légumes divers.
(9) Le domaine de Grizelle comprend 4 hectares de vignes, situés dans d'excellents, complantés en merlot, verdot, mancin et malbec, constituant l'un des meilleurs crûs des palus de Bouliac.
Curé : Vidal | Entrepreneurs de bâtisses : Badé frères, |
Maire : Jean Hugla | Bouchers : Baudet, Castannet, J. Meillan |
Adjoint : Papon | Boulanger : Penchaud |
Secrétaire instituteur communal : Reyt (40 élèves) | Charpentier : Renouil |
Institutrice communale :Mme Reyt (40 élèves) | Denrées coloniales : Baudet, Cazeaux, Degans, Meillan, Penchaud, Melle Reyt. |
Société de Secours mutuels : président Jurine (90 membres). Fête le 29 juin. | Forgerons-serruriers : Crémier, Rieu.(2) |
Aubergistes (1) : Baudet, Cazeaux, J. Meillan, Serres, Campagne | Menuisier : Serres |
Fabricants de barriques : Bouluguet, Jugla, Penchaud, Tribaut, Videau. | Fête locale : saint Eutrope (30 avril), ou le dimanche suivant. |
(1) On lit dans le procès-verbal du 10 avril 1831, au sujet de la vente des boissons, que 7 débitants sont déclarés sur Bouliac et qu'ils doivent verser au receveur des contributions indirectes la somme de 130 francs pour les 4 premiers mois de l'année 1831. Le 1er janvier 1860, l'adjoint au maire, M. Cardonnel, "a notifié personnellement au sieur Gibert Bernard l'arrêté de M. le Préfet de la Gironde du 30 décembre 1859 par lequel l'autorisation d'ouvrir un débit de vin dans la commune de Bouliac est refusée au dit Gibert."
(2)En 1836, le forgeron Rieu était déjà cité comme forgeron au village de Malus dans les archives communales.
Le Préfet a-t-il jugé que les débits de boissons étaient suffisamment nombreux à Bouliac ?
Communes : Carbon-Blanc, Ambarès et Lagrave, Ambès, Artigues, Bassens, Beychac-et-Cailleau, Bouliac, Cenon, Floirac, Lormont, Montussan, Sainte-Eulalie, Saint-Loubès, Saint-Louis-de-Monferrand, Saint-Sulpice, Saint-Vincent-de-Paul, Tresses, Yvrac.
La
culture du sol est généralement faite , comme dans tous les pays où la vigne
domine, pout le compte des propriétaires par des domestiques à l'année ou à la
journée, ou par des prixfaiteurs.
Le fermage est peu usité dans ce canton.
Le métayage est usité dans les communes où les céréales et la vigne blanche sont
cultivées sur une grande échelle.
Les domestiques à l'année reçoivent de 300 à 400 fr. et nourris, les femmes ont
moitié.
Les journaliers reçoivent de 2 à 3 fr., selon les communes et les saisons et ne
sont pas nourris.
Les prixfaiteurs, pour les vignes rouges, reçoivent 60 fr. par journal de 32
ares, pour tailler, échalasser, attacher, donner trois façons de bêche,
épamprer, lever et pincer. Pour les vignes blanches, qui ne reçoivent que deux
façons de bêche, 42 fr. par journal.
Quand les vignes sont labourées à la charrue, le prixfaiteur ne reçoit par
journal que 15 fr. pour la taille et 5 fr. pour chaque façon de cavaillon ; les
sarments sont ramassés par le prixfaiteur qui en garde la moitié et porte
l'autre, à ses frais, au lieu fixé par le propriétaire. Dans les vignes
labourées à la charrue et où l'on cultive les céréales, le prixfaiteur fait
faire, à ses frais, les semailles, le sarclage, la moisson et le dépiquage. Il
donne au propriétaire les 2/3 de la récolte plus un hectolitre , par treize
qu'on appelle la dîme et que le propriétaire prélève pour le paiement des impôts
; tous les autres produits , pommes de terre, petits pois, légumes, etc., sont
partagés par moitié ; tous les frais de labour et de fumure étant à la charge du
propriétaire et ceux de culture et de cueillette à la charge du prixfaiteur, qui
reçoit une barrique de vin blanc par an et par homme et de la piquette à
discrétion.
Dans plusieurs grands domaines, le propriétaire emploie à la journée ses
prixfaiteurs et leurs familles , une fois leur prixfait terminé ; ces journées
sont payées à raison de 1 fr. pour les femmes et 2 fr. pour les hommes pendant
les quatre mois d'hiver, et 2 fr. 50 centimes pour les huit autres mois,
toujours sans nourriture.
Dans ce canton, où le plus petit coin de terre est en rapport, la culture est
généralement bien faite. Les vignes sont presque toutes plantées en plein ou à
rangs seuls avec cultures intermédiaires de froment, pommes de terre, petits
pois de primeur, fèves, haricots et autres légumes ; elles sont en grande partie
tenues au fil de fer et labourées avec un fort boeuf ou, le plus souvent, avec
un cheval breton, percheron ou normand.
Les arbres fruitiers, très nombreux, sont généralement plantés au milieu des
vignes et bien taillés.
Démographie
J'ai consulté les
registres de l'état-civil de 1874 pour connaître naissances, mariages et décès
correspondant aux 730 habitants de la commune.
Naissances : 16
Mariages : 5
Décès : 13
La différence Naissances - Décès = 3 montre la stagnation démographique de la commune
au début de la IIIème République.
Nous reviendrons de façon approfondie sur la démographie de Bouliac de 1737 jusqu'à nos jours.
Compléments
(1) En 1824, sur le cadastre napoléonien, la superficie totale des vignes est 268 hectares.
(2) J'ai trouvé dans le Dictionnaire des altérations et falsifications des substances alimentaires, médicamenteuses et commerciales, publié en 1855, le degré alcoolique des vins de Bouliac pour l'année 1842 (page 559) : 9°35.
Le saviez-vous Le philoxéra a été identifié à Bouliac et Floirac en 1863. |