Le chemin du bord de l'eau

La route du bord de l'eau

Le chemin du bord de l'eau
Pendant des siècles, on pouvait aller du Port des collines à Floirac en suivant le sentier de halage qui longeait la Garonne. En 2010, on emprunte la Route du bord de l'eau, qui commence au parking de Auchan, atteint le port des Collines et rejoint Latresne. Que connaissons-nous de ce chemin ?

Les informations qui suivent sont empruntées à l'excellent site : bertrand.meallet.pagesperso-orange.fr/isle/garonne/chemin_de_halage.htm

En dehors de la marée et du vent, l'un des moyens de mouvoir les bateaux était le halage. On attachait une corde au sommet du mât, et, depuis le rivage, des hommes ou des chevaux tiraient les embarcations... La difficulté venait de ne pouvoir suivre facilement les berges que les riverains occupaient, où les arbres repoussaient sans cesse, et où mille ruisseaux coupaient le chemin.
Une réglementation déjà ancienne

Vers 1520, François 1er avait entrepris de réglementer les chemins de halage, mais, là encore, ce fut Colbert qui par l'ordonnance de 1669 établit la base de la législation qui était toujours en vigueur il y a quelques années.
L'un des points principaux est l'article 7 du titre 28: " ... Les propriétaires des héritages aboutissants aux rivières navigables, laisseront le long des bords vingt-quatre pieds au moins de place en largeur pour chemin royal et trait de chevaux, sans qu'ils puissent, planter arbres, ni tenir clôtures, ou haies plus près que de trente pieds du côté que les bateaux se tirent, et dix pieds de l'autre bord, à peine de cinq cent livres d'amende, confiscation des arbres,- et d'être les contrevenants contraints de réparer et remettre les chemins en état à leurs frais..."
L'arrêté du 13 nivose de l'an 5 (1796, 1ère République) et le décret du 22 janvier 1808 (Napoléon 1er), ne font que reprendre en les précisant les termes de cette ordonnance. Les 30 pieds sont traduits en 9,75 mètres et les 10 pieds en 3,25 mètres. (Il s'agit de pieds français de 0.325m environ). La largeur doit être prise à partir de la baisse des hautes eaux navigables ou du bord supérieur des berges qui seraient plus élevées, (notions assez imprécises tout de même).
Les chemins de halage sont une servitude donnant droit de passage pour le halage, pour les pêcheurs et autres navigateurs. La propriété des bois coupés reste aux propriétaires.
Les chemins de halage étaient très utiles à la partie de la rivière non soumise à la marée, mais au niveau de l'Isle leur intérêt n'était pas évident. Aussi l'ordonnance de Colbert ne se traduisit-elle que par une ébauche de halage sur la rive droite opposée.
Une mise en oeuvre contestée
Mais, vers 1838-1840, les Ponts et Chaussées soutenus par le Préfet se mettent en devoir de réaliser un véritable chemin sur chaque rive.
Sans trop se préoccuper de l'avis des propriétaires l'administration entreprend de mettre en vigueur les termes de l'ordonnance de 1669 qui dormait depuis près de deux siècles... Elle défriche, construit des ponts de bois sur l'embouchure des ruisseaux : les " Pontes ".

Les propriétaires concernés sur la rive gauche, appuyés par les municipalités, se regroupent et confient à Maître Desèze, (descendant de l'avocat de Louis XVI), la rédaction d'un mémoire adressé au ministre des travaux publics, car le préfet ne les écoute pas.
Les arguments essentiels de leur opposition sont les suivants :
- Le chemin de halage de la rive droite suffit largement, il n'y a pas besoin d'en créer un sur la rive gauche
- C'est une dépense inutile, " une ruineuse folie ", " les deniers des contribuables sont jetés à profusion "
- Le préfet et les Ponts et Chaussées n'ont pas consulté les propriétaires intéressés, la commission créée ne comporte aucun propriétaire, mais des gens. intéressés eux-mêmes à la navigation
- La commission, critiquée, a convoqué les propriétaires, mais pendant le temps des vendanges, moment où ils n'étaient pas libres
- L'ordonnance de 1669 n'exige, s'il y a déjà un chemin de halage sur une rive, qu'un contre-halage réduit sur l'autre ; donc, pas deux chemins de halage ensemble
- Deux fois par jour les marées rendent inutiles les chevaux
- Il y a des arbres de 300 ans sur la rive gauche qui démontrent qu'on n'a pas eu besoin de halage
- Perte pour la culture de terres riches, travaux détruits, clôtures renversées, servitude onéreuse, dévastations de matelots et gens embarqués
- Grandes difficultés de passage des bateaux 
Le chemin de halage qui a duré jusqu'en 1940 environ, (un siècle !), s'il a peu servi au halage, a constitué une agréable promenade. Certaines personnes bonnes marcheuses allaient facilement jusqu'à Bordeaux. Des "Bordelais" y venaient à bicyclette trouver un endroit pour pêcher. Les chemineaux et contrebandiers d'allumettes le fréquentaient. Les " tressonaires " y tiraient leur filet...

La route de la digue et le chemin de halage à Bouliac

Au cours de l'année 1846 "il fut question d'établir la digue qui borde la rivière dans les communes de Cenon, de Floirac et de Bouliac " ce qui conduisait à transformer le chemin de halage. Bouliac donna son accord "à la condition expresse, acceptée par M. le Préfet du département ... que ... ni les frais de construction ni les frais d'entretien de cette nouvelle voie n'incomberaient à la commune."

Le chemin de halage de Bouliac est mentionné dans la séance du 11 novembre 1855. Il est question de le remplacer par une voie carrossable qui partirait du port des Collines "à la condition que l'exédant (sic) de dépense qui résultera de cette substitution soit couvert par des dons volontaires des propriétaires intéressés." Or, la propriété de la Matte, léguée aux pauvres de la commune par M. David Chevelaure,  se trouve en bordure de Garonne sur le tracé de la voie carrossable projetée ; par conséquent "cette propriété ne peut manquer d'acquérir de la valeur par le fait de la construction d'une route qui permettra aux voitures d'aboutir jusqu'à la maison de maître et aux batimnts d'exploitation qui existebt sur ladite propriété..." Il est donc décidé une dépense de deux cent cinquante francs "qui sera payée sur les revenus que la propriété de la Matte produira pendant l'année 1856." 

Le 13 février 1859, une lettre du préfet apprend au Conseil que la commune de Floirac "a signalé le mauvais état de la digue de la Souys et la nécessité de réparer cette voie de communication." la longueur totale de digue à entretenir est de 4490 mètres : 891 mètres pour la commune de la Bastide, 2401 pour celle de Floirac, 1198 mètres pour celle de Bouliac. Les travaux à réaliser conduirait à une dépense de 259 francs . Compte tenu de la décision de 1846, le conseil refuse de voter cette dépense.

Le 17 février 1878, le Conseil souligne "le mauvais état de la Route du Bord de l'Eau" et la nécessité de le réparer.

Le 25 juin 1893, le "chemin latéral à la Garonne" est classé ! Le conseil apprend que le Conseil  général, le 12 avril 1893, a émis un avis favorable au projet de classement du "chemin latéral à la Garonne entre Monte-Christo et le port des Collines." Le projet est adopté à l'unanimité.